Objets non réclamés

Vous êtes entrepreneur, artisan ou commerçant (bijoutier, garagiste, carrossier, etc.) et vous avez en vos locaux des biens appartenant à des clients et non récupérés. Légalement, que pouvez-vous faire de ces objets « abandonnés » ?

Problématique récurrente

Certains clients ne viennent pas retirer les articles confiés après une réparation ou après les avoir déposés en vue de l’établissement d’un devis pour réparation. Vous vous posez dès lors la question de savoir si vous pouvez les revendre, les donner ou les détruire.

C’est en effet très embêtant. Car ces biens prennent de la place et, bien souvent, les frais de réparation n’ont pas été réglés alors qu’aucun acompte n’a été demandé ou que l’acompte demandé était manifestement insuffisant pour couvrir les frais ainsi exposés. De plus, cela peut poser des problèmes juridiques car, en tant que dépositaire, vous êtes le gardien de la chose et donc responsable de l’intégrité de ce bien en vertu du code civil. En d’autres mots : vous êtes responsable en cas de perte ou de dommages éventuels subis par les articles qui vous ont été confiés par le client.

Vous ne pouvez donc pas décider unilatéralement de revendre ou détruire ces articles. En effet, vous n’en êtes pas le propriétaire légitime. Même si le client ne vient pas récupérer ses articles, il n’en demeure pas moins le propriétaire légal et vous ne pouvez vendre, donner ou détruire les biens d’autrui sans son accord formel.

Solution légale fort complexe

Heureusement, il existe une loi réglementant la vente de certains objets abandonnés (loi du 21 février 1983). Elle fait figure de corollaire au droit légal de rétention que nous envisagerons dans un article ultérieur. Cependant, cette loi sur la vente de certains objets abandonnés reste assez complexe.

Le texte légal vise : « les objets mobiliers corporels mis en dépôt chez un entrepreneur, un artisan ou un commerçant soit en vue de leur conservation et garde, soit pour être travaillés, façonnés, réparés ou nettoyés, ainsi que les objets détenus par les notaires et huissiers de justice soit en vertu d’une vente publique non poursuivie, soit après leur adjudication ».

Comment cela se passe-t-il exactement ?

Le dépositaire, c’est-à-dire l’artisan, adresse une lettre recommandée au dernier domicile connu du propriétaire de l’objet en l’invitant à venir récupérer cet objet confié. Il convient donc de connaître l’adresse de votre client lors de la réception de son bien.

Si après un an rien n’a été fait, le dépositaire peut faire procéder à leur vente forcée dans les conditions et formes déterminées par la loi. S’il s’agit d’un véhicule automobile, le délai prévu est réduit à six mois. Si les objets ont été déposés moyennant le versement d’une redevance périodique, les délais prévus courent à partir de l’échéance du premier terme impayé.

Passé le délai, le dépositaire introduit une demande devant le juge de paix du canton du dernier domicile du propriétaire.

La requête mentionne, outre l’énoncé des faits, la désignation précise des objets, les lieu et date de leur réception, le prix réclamé, ainsi que le nom et le dernier domicile connu du propriétaire.

Une copie de la requête, accompagnée d’une invitation à comparaître, est adressée sous pli judiciaire par le greffier au propriétaire huit jours francs au moins avant la date de l’audience à laquelle l’affaire est inscrite.

Si les circonstances l’exigent, le juge ordonne la vente des objets abandonnés dans le délai fixé par lui, désigne l’huissier de justice compétent et évalue, s’il y a lieu, la créance du requérant.

S’il apparaît raisonnablement que le produit de la vente n’atteindra pas le montant de la créance du demandeur, le juge peut, par ordonnance motivée, décider avec l’accord du demandeur que l’objet déposé sera attribué en propriété au demandeur et que la créance de celui-ci se trouvera, de ce fait, éteinte, à concurrence du montant déterminé dans ladite ordonnance.

Lorsque l’ordonnance a été rendue en l’absence du propriétaire, l’huissier de justice commis avertit celui-ci par lettre recommandée, au moins huit jours francs à l’avance, des lieu, jour et heure de la vente.

Après prélèvement des frais, l’huissier de justice dresse un état de la vente et le transmet au requérant avec le produit de la vente, à concurrence du montant de sa créance.

Il verse le surplus au propriétaire ou, si celui-ci n’a pas de domicile ou de résidence connu, à la Caisse de Dépôts et Consignations, au nom du propriétaire, sous procès-verbal de dépôt. Le montant de la consignation, en principal et intérêts, est acquis de plein droit au Trésor public cinq ans après le dépôt s’il n’y a eu, dans l’intervalle, réclamation de la part du propriétaire, de ses représentants ou de ses créanciers.

Si le produit de la vente est insuffisant pour couvrir les frais, le solde est payé par le requérant, avec possibilité de recours contre le propriétaire.

Prenez les devants !

En conclusion, c’est bien, mais….

Comme on le voit, la procédure est complexe, lourde et engendre des frais.

On peut tenter de palier à ces difficultés par l’établissement de conditions générales que le déposant signera au moment du dépôt, reprenant les frais qui seront réclamés pour la garde du bien de manière à inciter le déposant à venir récupérer au plus vite son bien ou à le faire enlever (ex. : une carcasse de voiture accidentée).

On veillera aussi à afficher ces conditions dans le point de vente, à l’atelier, dans le bureau, etc., et dans les endroits où le public (clients) peut aisément en prendre connaissance. Sur le site internet de l’artisan, de l’entrepreneur ou du commerçant, cette publication sera également la bienvenue.

Il s’agit en fait bien souvent d’une suite au droit de rétention que nous aborderons dans un autre article. Ce dernier droit étant une garantie alors que la législation présentement étudiée constitue un droit d’exécution.


Attention : cette note a été rédigée à des fins essentiellement pédagogiques et vise à informer nos affiliés de la législation qui les concerne. Elle ne constitue en aucun cas un exposé exhaustif de la réglementation applicable. Pour une analyse personnalisée de votre situation, merci de prendre contact avec le service juridique de votre province. En utilisant les informations contenues dans ce billet, le lecteur renonce à mettre en cause la responsabilité de l’Union des Classes Moyennes et de l’auteur, même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu.