Les facultés de résiliation anticipée du bail commercial

Ces derniers mois, le service juridique de l’UCM Mouvement a été particulièrement sollicité sur des questions relatives à la résiliation anticipée des baux commerciaux. C’est donc en toute logique que nous dédions à cette délicate question l’article juridique de ce mois d’octobre.

  • Un peu d’histoire…

Le bail commercial est l’un des rares baux en droit belge à être régi par une législation particulière, la désormais célèbre loi du 30 avril 1951. Avant elle, il n’était pas rare que les commerçants ou artisans louant un bien immeuble pour l’exercice de leur activité indépendante soient tributaires du bon vouloir de leur propriétaire. À l’époque, le bailleur peu scrupuleux était en droit de mettre fin au contrat de bail quand bon lui semblait moyennant un préavis réduit. Il pouvait alors s’emparer des locaux du commerçant afin parfois d’y exercer lui-même l’activité, profitant ainsi de la clientèle durement acquise par ses précédents locataires. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le législateur a eu à cœur de protéger ces commerçants de proximité désireux de participer à la relance économique en réglementant plus sévèrement les baux accordés aux commerçants. C’est ainsi que ce bail de (très) longue durée a vu le jour.

Dès qu’ils entrent dans le champ d’application de la loi du 30 avril 1951, le bailleur et le locataire-commerçant se voient liés par un contrat de bail à durée déterminée de neuf années consécutives. Notons d’ailleurs – en première protection offerte au locataire – que le bailleur ne peut en aucun cas écourter cette durée. Dans l’esprit du législateur, il était essentiel d’assurer une forme de pérennité dans l’exercice de l’activité commerçante sans pour autant enfermer les parties dans un contrat trop rigide. Il a donc pris soin de leur aménager des facultés de résiliation anticipée bien encadrées.

 

  • La faculté de résiliation dans le chef du bailleur

Il est important de rappeler que la faculté de résiliation anticipée dans le chef du bailleur n’est possible que si elle a été textuellement prévue dans le contrat de bail. En d’autres termes, s’il n’est pas expressément indiqué que le bailleur peut mettre fin au contrat, il doit l’exécuter sur les neuf années consécutives. Le bailleur avisé veillera donc à toujours indiquer dans son bail qu’il a la faculté de résilier anticipativement celui-ci, moyennant le respect des conditions prévues par la loi de 1951.

De plus, le bailleur ne peut résilier anticipativement le bail que dans certains cas limitativement énumérés par la loi : (1) en vue d’exercer effectivement lui-même dans l’immeuble un commerce ou (2) d’en permettre l’exploitation effective par ses descendants, ses enfants adoptifs ou ses ascendants, par son conjoint, par les descendants, ascendants ou enfants adoptifs de celui-ci, ou (3) par une société de personnes dont les associés actifs ou les associés possédant au moins les trois quarts du capital ont avec le bailleur ou son conjoint les mêmes relations de parenté, d’alliance ou d’adoption. En dehors de ces cas, il ne lui est donc pas permis de résilier anticipativement le bail de son propre chef.

Par ailleurs, le bailleur veillera à communiquer sa volonté de résilier son bail à l’expiration de chaque triennat et moyennant un préavis d’un an notifié au preneur par exploit d’huissier de justice ou par lettre recommandée.

 

  • La faculté de résiliation dans le chef du preneur

Par souci d’équité, le preneur est lui aussi soumis au respect de délais et de formes lorsqu’il souhaite mettre fin à son contrat. Ainsi, il ne peut résilier anticipativement le bail qu’à l’expiration de chaque triennat et moyennant un préavis de six mois. À nouveau, ce préavis devra être envoyé soit par lettre recommandée, soit par exploit d’huissier. Par contre, le preneur a quant à lui toujours la faculté de résilier anticipativement le bail sans motif, même dans le cas où le contrat de bail ne le prévoit pas ou dispose du contraire.

Si le preneur ne respecte pas ces exigences, le bailleur aura alors le choix entre demander la poursuite de l’exécution du contrat (sous réserve de l’abus de droit) ou demander la résolution judiciaire du contrat aux torts du preneur. Généralement et par prudence, le bailleur introduira dans le contrat une clause pénale par le biais de laquelle il s’assure le paiement d’une somme indemnitaire de résolution et de relocation dans le cas où le preneur ne respecterait pas cette règle.

 

  • La faculté de résiliation à l’amiable

En principe, les parties à un contrat, quel qu’il soit, ont toujours la faculté de résilier celui-ci de commun accord. Bien que cette règle s’applique également au contrat de bail commercial, la loi impose aux parties de faire constater cette résiliation dans un acte authentique, soit devant notaire, soit par une déclaration faite devant le juge. Ce formalisme revêt un caractère obligatoire dans le chef du bailleur et ce dernier serait donc bien audacieux de ne pas le respecter, risquant ainsi d’entrainer la nullité de la résiliation.

On ressent à nouveau la ferme volonté du législateur de protéger le locataire par l’intervention d’une d’autorité tierce. A nouveau, nous constaterons que le preneur peut par contre renoncer à invoquer cette nullité en confirmant simplement l’acte intervenu, même sous seing privé.

 

  • Cas particulier – La tacite reconduction organisée à l’article 14, alinéa 3 de la loi

Lorsque le bail commercial arrive à l’échéance des neuf ans, la loi du 30 avril 1951 organise une procédure de renouvellement très stricte que les deux parties sont tenues de respecter. Cependant, dans le cas où cette procédure n’aurait pas été suivie et que le preneur est malgré tout laissé dans les lieux loués, il se produit une tacite reconduction. Cette dernière mue alors le contrat de bail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée. La question est alors de savoir comment mettre fin à ce dernier.

Si la loi du 30 avril 1951 prévoit que le bailleur ne peut mettre fin à un bail commercial à durée indéterminée que moyennant un préavis de minimum 18 mois, elle reste silencieuse concernant le préavis que le preneur se doit de lui communiquer. C’est donc à la jurisprudence belge qu’est revenu le soin de trancher cette problématique, ce qu’elle a fait en application du droit commun. Ainsi, il est fait – dans cette situation particulière – application de l’article 1736 du Code civil qui prévoit que le bail conclu pour une durée indéterminée est censé fait au mois. Il ne pourra y être mis fin que moyennant un congé d’un mois. Le preneur, s’il se retrouve dans ce cas, aura donc la faculté de mettre fin au bail à tout moment, moyennant le respect d’un préavis d’un mois.

 

  • En conclusion

En matière de résiliation de bail commercial et pour éviter tout litige, le bailleur et le locataire qui souhaitent mettre un terme à leur contrat veilleront toujours au respect rigoureux des dispositions de la loi du 31 avril 1951. A cet égard, nos lecteurs sont également informés que ladite loi organise également  les questions relatives au renouvellement du bail commercial, à la cession ou la sous-location de celui-ci ou, encore, à l’aménagement des lieux loués.

Compte-tenu de son caractère impératif, il est vivement conseillé aux deux parties de toujours se renseigner au préalable quant à leurs droits et obligations.

Attention : cette note a été rédigée à des fins essentiellement pédagogiques et vise à informer nos affiliés de thématiques juridiques qui les concernent. Elle ne constitue en aucun cas un exposé exhaustif de la réglementation applicable ou du sujet traité. Pour une analyse personnalisée de votre situation, merci de bien vouloir prendre contact avec le service juridique de votre province d’affiliation. En utilisant les informations contenues dans ce billet, le lecteur renonce à mettre en cause la responsabilité de l’Union des Classes Moyennes et de l’auteur, même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu.