Nouvelles obligations d’information pour le commerce en ligne

La volonté des instances européennes d’offrir aux consommateurs et aux professionnels un guichet unique de résolution extra-judiciaire des conflits nés de transactions en ligne vient de prendre chair. La plate-forme de règlement en ligne des litiges de consommation est en effet devenue réalité. Pour l’e-commerçant, cela n’est pas sans conséquence…

Contexte

Selon les chiffres du baromètre 2015 de la société de l’information publié par le SPF Economie, 54.2% des belges ont effectué des achats en ligne en 2014, tandis que 24,4% des entreprises belges ont réalisé des ventes en ligne. Le commerce en ligne séduit de plus en plus de consommateurs et de nouvelles boutiques en ligne apparaissent tous les jours. Il présente des avantages non négligeables pour le consommateur et le professionnel: gain de temps, prix attractifs, accès 24/24h, livraison à domicile, charges réduites, large couverture géographique, etc.

Cependant, les contrats de vente en ligne de biens ou services peuvent également être la source de litiges (produits non livrés ou défectueux, retards de livraison, service après-vente injoignable, problème de langue, etc.).

Or, à défaut de règlement à l’amiable, le consommateur, peu enclin à entamer une procédure judiciaire longue, coûteuse et au résultat souvent incertain, abandonnera probablement toute velléité de poursuite.

Soucieux de protéger le consommateur, le législateur européen a donc adopté une directive relative au règlement extrajudiciaire de litiges de consommation. Dans le cadre de la transposition de cette législation européenne, la Belgique a mis en place un service de médiation pour le consommateur, actif depuis le 1er juin 2015.

Ce service présente des avantages non négligeables, dont la gratuité, la rapidité et un formalisme réduit. Toutefois, les frontières nationales ne s’appliquant pas au commerce en ligne, des litiges transfrontaliers peuvent survenir. Le consommateur (ou le professionnel) étant peu informé de l’existence d’instances (nationales ou étrangères) de règlement extrajudiciaire de litiges, les modes de résolution alternative des litiges sont dès lors peu usités.

Ce manque d’information ou de clarté constitue un frein au développement du commerce en ligne. Le consommateur n’est d’ailleurs pas le seul lésé. L’absence de résolution des éventuels litiges peut aussi avoir une influence sur l’e-réputation d’un site marchand. A l’ère des réseaux sociaux, un commentaire négatif en ligne est en effet susceptible d’avoir une influence sur la confiance portée à un site de vente en ligne, et de décourager une clientèle potentielle.

Dans sa volonté de stimuler la confiance des consommateurs et des professionnels dans les transactions en ligne, l’Union européenne a franchi une nouvelle étape en adoptant le règlement n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil, applicable depuis le 9 janvier 2016. Ce règlement vient fixer un cadre et a pour objectif principal d’harmoniser le système des règlements extra-judiciaires des litiges dans l’Union. Avec ce règlement, l’Union européenne souhaite offrir aux consommateurs et professionnels un système de règlement de litiges rapide, peu onéreux, efficace, et ce dans toutes les langues officielles.

Cette volonté s’est concrétisée par la mise en place d’une plateforme de règlement en ligne des litiges (RLL). Cette plateforme est un site interactif, gratuit, accessible dans toutes les langues officielles de l’Union. En plus de fournir des informations générales sur le règlement extra-judiciaire des litiges contractuels découlant de contrats de vente ou de service en ligne entre consommateurs et professionnels, elle joue le rôle de guichet unique en ligne permettant à tout consommateur ou professionnel d’identifier les entités de règlement extra-judiciaire de litiges (REL) existantes. La plate-forme est accessible depuis le 15 février 2016.

A qui est destinée cette nouvelle plateforme ?

Deux publics sont ciblés :

  • les consommateurs résidant dans l’un des pays membres de l’Union européenne (le consommateur étant défini comme toute personne physique agissant à des fins non professionnelles), d’une part ; et
  • les professionnels établis dans un pays membre de l’Union européenne, d’autre part.

Quels litiges sont visés ?

La plateforme RLL ne vise que les litiges nés de contrats de vente de biens ou de services en ligne (tant transfrontaliers que nationaux). Les litiges entre consommateurs et professionnels découlant de contrats de vente ou service conclus hors ligne, ainsi que les litiges entre professionnels, sont exclus.

S’agissant des litiges nationaux, nous invitons ceux qui le souhaitent à relire l’article que nous consacrions à l’occasion de cette même chronique juridique aux différents modes de résolution alternative des conflits en Belgique (article publié au mois de janvier 2015). Pour rappel, cette chronique paraît dans votre « Focus », la newsletter de l’UCM Brabant wallon, chaque premier lundi du mois (hors congés d’été).

Procédure

La procédure se déroule en 4 étapes :

  1. Le plaignant (consommateur ou professionnel) complète un formulaire en ligne.
  2. La plainte est transmise à l’autre partie. Les deux parties disposent d’un délai de 30 jours pour convenir de l’entité nationale de REL (Règlement Extrajudiciaire de Litiges). A défaut d’accord, vu le caractère (généralement) non-contraignant d’une telle procédure, la plainte est abandonnée.

Certains Etats membres (Allemagne, France, Luxembourg et Pays-Bas) ne disposent pas, à ce jour, d’entités qualifiées dans le règlement extrajudiciaire des litiges. La Belgique, très bon élève, dispose de pas moins de 12 entités de REL. La liste de ces entités est disponible sur le site du SPF Economie.

Les Etats membres sont également tenus de désigner un point de contact national ayant pour mission de faciliter la communication entre les parties et l’entité de REL, d’une part, et d’informer les parties des avantages et inconvénients des procédures appliquées par les entités REL, d’autre part. En Belgique, le point de contact est assuré par le Centre Européen des Consommateur Belgique. Seuls cinq pays n’en disposent pas actuellement (Allemagne, France, Luxembourg, Pologne et Roumanie).

  1. En cas d’accord, la plateforme RLL transmet la plainte à l’entité de REL choisie, qui décidera de traiter ou non la plainte suivant ses règles de procédure propres.
  2. L’entité de REL est tenue de clôturer la procédure dans les 90 jours à dater de la réception du dossier complet de la plainte, ce délai pouvant être prolongé dans le cas de litiges fort complexes.

La présence physique des parties et de leurs représentants n’est pas requise devant les entités de REL, sauf règles de procédure propres à l’entité choisie ou accord des parties en ce sens.

Que dois-je faire en tant que professionnel ?

De nouvelles obligations d’information pèsent sur les professionnels du commerce en ligne.

En effet, tout professionnel du commerce en ligne établi dans un des Etats de l’Union doit dorénavant :

  • faire figurer sur son site internet un lien aisément accessible aux consommateurs vers la plateforme européenne de RLL ;
  • communiquer une adresse électronique permettant au consommateur de s’adresser au professionnel pour un éventuel règlement du litige à l’amiable ;
  • lorsqu’une offre est faite par courriel, y indiquer un lien vers la plateforme ;
  • adapter ses conditions générales de vente en y insérant ces informations.

Les professionnels ayant pris l’engagement ou tenus de recourir à une ou plusieurs entités de REL dans la résolution des litiges avec des consommateurs (secteur énergétique, télécoms, etc.) sont par ailleurs tenus d’informer les consommateurs de l’existence de la plateforme RLL, et d’y recourir pour régler leurs litiges le cas échéant.

Enfin, afin de garantir le respect de ces nouvelles obligations, il est demandé aux Etats membres de l’Union de déterminer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Actuellement, aucune sanction n’est prévue en Belgique pour non-respect de ces nouvelles obligations d’information. Il est donc encore temps de faire le nécessaire en vérifiant si vos conditions générales ainsi que les mentions devant légalement apparaître sur votre site de vente en ligne (de biens ou de services) sont toujours à jour sur le plan légal. A cet égard, certains sont moins chanceux que nous : nos voisins français, par exemple, sanctionnent déjà le non-respect de ces obligations d’une amende administrative de 3.000 € (personne physique) ou 15.000 € (personne morale).

Pour toute question complémentaire, contactez votre conseiller juridique en Brabant wallon, Louis Tonneau : 010 49 59 86 ou louis.tonneau@ucm.be.

 

Attention : cette note a été rédigée à des fins essentiellement pédagogiques et vise à informer nos affiliés de la législation qui les concerne. Elle ne constitue en aucun cas un exposé exhaustif de la réglementation applicable. Pour une analyse personnalisée de votre situation, merci de prendre contact avec le service juridique de votre province. En utilisant les informations contenues dans ce billet, le lecteur renonce à mettre en cause la responsabilité de l’Union des Classes Moyennes du Brabant wallon ASBL et de l’auteur, même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu.