Le recouvrement de dettes d’argent non contestées

Au mois d’octobre dernier, nous avions envisagé ensemble la difficile problématique du recouvrement de créances en parcourant les diverses mesures, de nature tant préventive que curative, qu’il est possible de prendre. Récemment, le législateur a pris soin d’ajouter une nouvelle arme à l’arsenal curatif existant. Nous nous y intéressons aujourd’hui.

Une nouvelle procédure

Une loi du 19 octobre 2015 a introduit dans notre législation une nouvelle possibilité de recouvrer des créances en matière commerciale (B2B) pour autant que ces dernières ne soient pas contestées. C’est une corde de plus à l’arc dont dispose le créancier (voyez à ce propos notre chronique récapitulative en cliquant ici).

Cette loi intègre dans notre arsenal juridique un article d’une directive européenne de 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

Nous disposons déjà en Belgique d’une « procédure sommaire d’injonction de payer » qui est censée permettre au créancier de récupérer plus facilement et plus rapidement une créance impayée. Cependant, cette procédure est assez coûteuse et restrictive et n’a jamais rencontré un grand succès.

La nouvelle procédure est elle-aussi assez restrictive même si elle représente un progrès dans le recouvrement de créances commerciales.

En effet, elle ne s’applique pas s’il y a une contestation de la créance. La loi ne précise pas comment prouver la contestation, ni comment savoir si elle est fondée ou non. Dès lors, le débiteur qui n’a pas envie de payer aura vite fait de contester la facture pour un motif futile de manière à contrecarrer l’application de la nouvelle loi.

Elle ne s’applique pas non plus à l’égard des particuliers mais uniquement entre professionnels. Donc pas question de pouvoir réclamer son dû rapidement chez un client privé ou même un professionnel mais qui agit dans le cadre de sa vie privée.

La loi exclut encore les dettes concernant :

1° des autorités publiques;

2° des créanciers ou débiteurs qui ne sont pas inscrits dans la Banque Carrefour des Entreprises;

3° des opérations qui ne sont pas exécutées dans le cadre des activités de l’entreprise;

4° une faillite, une réorganisation judiciaire, un règlement collectif de dettes et d’autres formes de concours légal;

5° des obligations non contractuelles, sauf si

  • elles font l’objet d’un accord entre les parties ou s’il y a une reconnaissance de dette, ou
  • elles ont trait à des dettes découlant de la propriété commune de biens.

La dette sera augmentée du coût du recouvrement et des majorations légales (les frais d’huissier de justice). On pourra encore ajouter les intérêts et la clause pénale à concurrence de maximum 10% de la dette en principal.

 

Modalités d’application

La procédure ne peut être initiée que par un avocat qui mandatera un huissier de justice (comme pour la procédure sommaire d’injonction de payer). La simplification est qu’il n’y aura plus de passage devant un juge à ce stade.

Pratiquement, il faudra donc s’adresser à son avocat qui mandatera l’huissier pour exécuter cette nouvelle procédure. Cette dernière se déroule de la manière suivante :

Avant de procéder au recouvrement, l’huissier de justice signifie au débiteur une sommation de payer. La sommation contient, à peine de nullité :

1° une description claire de l’obligation dont découle la dette;

2° une description et une justification claires de tous les montants réclamés au débiteur, y compris les frais de la sommation et, le cas échéant, les majorations légales, les intérêts et les clauses pénales;

3° la sommation de payer dans le mois et la manière dont le paiement peut être fait;

4° les possibilités dont dispose le débiteur pour réagir à la sommation;

5° l’inscription du créancier et du débiteur à la Banque-Carrefour des Entreprises.

A l’acte de sommation, sont annexés:

1° une copie des pièces probantes dont dispose le créancier;

2° le formulaire de réponse qui prévoit que le débiteur qui ne paie pas les montants qui sont recouvrés peut, dans le mois, demander des facilités de paiement ou faire connaître les raisons pour lesquelles il conteste la dette, au moyen du formulaire de réponse qui est joint à l’acte de sommation.

Le formulaire de réponse est, contre accusé de réception, envoyé à l’huissier de justice instrumentant, lui est remis à son étude ou lui est transmis d’une autre manière à déterminer par le Roi. L’huissier de justice en donne connaissance sans délai au créancier ainsi que, le cas échéant, du paiement de la dette.

Le débiteur peut dans le mois :

  • soit payer;
  • soit demander des facilités de paiement;
  • soit contester la dette.

Au plus tôt huit jours après l’expiration du délai, l’huissier de justice instrumentant établit, à la demande du créancier, un procès-verbal de non-contestation dans lequel il est constaté, selon le cas:

1° soit que le débiteur n’a pas payé tout ou partie de la dette, ni n’a demandé ou obtenu des facilités de paiement, ni n’a fait connaître les raisons pour lesquelles il conteste la dette;

2° soit que le créancier et le débiteur ont convenu de facilités de paiement qui n’ont cependant pas été respectées.

Dans le procès-verbal sont également repris les indications de l’acte de sommation et le décompte actualisé de la dette en principal, de la clause pénale, des intérêts et des frais.

Le procès-verbal est rendu exécutoire sur requête de l’huissier de justice par un magistrat du Comité de gestion et de surveillance près du fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt. Il est revêtu de la formule exécutoire et constitue, le cas échéant au prorata du solde de la dette, un titre qui peut être mis à exécution.

De plus, il est institué, à la Chambre nationale des huissiers de justice, un “Registre central pour le recouvrement de dettes d’argent non contestées”, dénommé “Registre central”. Le Registre central est une base de données informatisée organisée et gérée par la Chambre nationale des huissiers de justice dans laquelle sont collectées les données nécessaires pour contrôler le déroulement correct des procédures de recouvrement de dettes d’argent non contestées et pour rendre exécutoire le procès-verbal de non-contestation.

A cette fin, sans préjudice d’autres communications ou avis, l’huissier de justice instrumentant envoie au Registre central, dans les trois jours ouvrables une copie de tous les exploits, citations, notifications, communications, facilités de paiement ou procès-verbaux et, le cas échéant, de leurs annexes, visés au présent chapitre.

La Chambre nationale des huissiers de justice est considérée, pour ce qui concerne le Registre central, comme le responsable du traitement, au sens de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

Les données contenues dans le Registre central sont conservées pendant dix ans.

Les huissiers de justice peuvent enregistrer directement et consulter les données du Registre central par partie sommée ou, le cas échéant, par créancier. Ces huissiers de justice sont désignés nommément dans un registre informatisé qui est en permanence mis à jour par la Chambre nationale des huissiers de justice. La Chambre nationale des huissiers de justice est chargée de contrôler le fonctionnement et l’utilisation du Registre central.

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Cette nouvelle loi entrera en vigueur à une date à fixer par arrêté royal et en tout cas avant le 1er septembre 2017.

On le voit, il y a de la simplification dans la procédure, mais malheureusement, cette procédure reste limitée à certaines créances et aura un coût, au vu des démarches à effectuer et des intervenants (avocats et huissiers), même si l’intervention de ces professionnels garantira la sécurité juridique.

Il reste donc à attendre l’entrée en vigueur…

Pour toute question complémentaire, contactez votre conseiller juridique en Brabant wallon, Louis Tonneau : 010 49 59 86 ou louis.tonneau@ucm.be.

 

Attention : cette note a été rédigée à des fins essentiellement pédagogiques et vise à informer nos affiliés de la législation qui les concerne. Elle ne constitue en aucun cas un exposé exhaustif de la réglementation applicable. Pour une analyse personnalisée de votre situation, merci de prendre contact avec le service juridique de votre province. En utilisant les informations contenues dans ce billet, le lecteur renonce à mettre en cause la responsabilité de l’Union des Classes Moyennes du Brabant wallon ASBL et de l’auteur, même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu.