Investir dans une entreprise qui débute

A l’heure où les taux d’intérêts des comptes épargnes descendent bien souvent sous le pourcent, nous vous entretenons aujourd’hui du nouveau « tax shelter pour sociétés débutantes ». Une manière de soutenir l’économie réelle et de faire (éventuellement) fructifier votre patrimoine tout en bénéficiant d’une réduction d’impôt !

Un climat morose

Des taux d’intérêts avoisinant régulièrement le pourcent annuel, voire moins. Une inflation dans certains cas plus élevée que le taux que vous accorde votre banque. Des banquiers suggérant publiquement de supprimer l’obligation qui leur est faite de rémunérer l’épargne sur ce type de compte à hauteur d’au moins 0.11%. Convenons-en : en matière de rémunération de l’épargne ordinaire, nous ne vivons pas des jours gras.

Alternative à l’épargne traditionnelle, l’opportunité offerte par l’article 145/26 du code des impôts sur les revenus pourrait constituer une piste intéressante voire attractive de placement. C’est la raison pour laquelle nous vous présentons aujourd’hui ce mécanisme de réduction d’impôt pour acquisition d’actions ou parts d’entreprises qui débutent.

La solution: un tax shelter pour starter

Tout est parti d’un constat: régulièrement, les sociétés débutantes éprouvent un certain nombre de difficultés à rassembler du capital. Pour répondre à ce problème, un nouvel article, le 145/26, a été introduit dans le code des impôts sur les revenus par la loi du 18 août 2015 (entrée rétroactivement en vigueur le 01er juillet de la même année).

Le principe est simple: pour aider les petites sociétés qui débutent, un incitant fiscal est prévu. Si toutes les conditions sont respectées, celui qui investit dans ces sociétés bénéficient d’une réduction d’impôt de tantôt 30 tantôt 45 % du montant investi.

Quelles conditions remplir ?

Comme toutes les niches fiscales (ou tax shelters, en anglais), la réduction d’impôt dont il est ici question n’est accessible qu’à condition que certaines conditions soient remplies. Nous les parcourons ensemble.

  1. S’agissant du profil de l’investisseur, seuls sont admis les habitants du Royaume assujettis à l’impôt des personnes physiques, ainsi que les non-habitants assujettis et régularisés à l’impôt des non-résidents ou des personnes physiques.
  2. La participation dans le capital social de la société débutante ne peut excéder 30 %. Cela signifie concrètement que les versements dépassant ces 30 % de participation ne donnent pas droit à la réduction d’impôt. Le montant maximal par période imposable et par personne est fixé à 100.000 EUR.
  3. En terme d’agenda, l’investissement doit se faire lors de la constitution de la société ou à l’occasion d’une augmentation de capital dans les 4 ans suivant sa constitution. Il s’agit dans les deux cas de sociétés qui ont été constituées au plus tôt le premier janvier 2013.
  4. Les sociétés visées par ce nouvel incitant fiscal, bénéficiaires de la prise de participation, sont les petites sociétés qui débutent (ou starters, en anglais), pour autant qu’elles respectent simultanément les 11 conditions suivantes :
  • a) Il doit s’agir d’une société résidente ou d’une société de l’Espace Economique Européen qui dispose en Belgique d’un « établissement belge ».
  • b) La société ne peut pas avoir été constituée à l’occasion d’une fusion ou scission de sociétés.
  • c) Pour l’exercice d’imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle l’apport en capital a lieu, il doit s’agir d’une petite société. A ce jour (exercices postérieurs au 31 décembre 2015), il doit s’agir d’une société dotée de la personnalité juridique qui ne dépasse pas plus d’un des critères suivants pour le dernier et l’avant-dernier exercice comptable clôturé : (1) nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle: 50 ; (2) chiffre d’affaires annuel, hors tva : 9.000.000 EUR; (3) total du bilan : 4.500.000 EUR. En principe, il faut apprécier ces critères à la date du bilan.
  • d) La société ne peut pas être une société d’investissement, de trésorerie ou de financement.
  • e) La société ne peut pas être une « société immobilière ».
  • f) La société ne peut avoir été ou être constituée afin de conclure des contrats de gestion ou d’administration ou obtenir la plupart de ses bénéfices de contrats de gestion ou d’administration.
  • g) La société n’est pas cotée en bourse.
  • h) La société ne peut, dans le passé, avoir déjà opéré une diminution de capital ou distribué des dividendes.
  • i) La société ne fait pas l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité et ne se trouve pas dans les conditions d’une telle procédure.
  • j) La société ne peut pas utiliser les sommes perçues pour une distribution de dividendes ou pour l’acquisition d’actions ou parts ni pour consentir des prêts.
  • k) La société ne peut avoir perçu après versement des sommes par le contribuable un montant d’apports fiscalement favorisés supérieur à 250.000 EUR au cours de son existence.

On notera au surplus que, s’agissant des conditions d, e, f et j, il importe que celles-ci demeurent inviolées durant une période minimale de 48 mois à compter de paiement des actions ou des parts, sous peine de voir la réduction d’impôt reprise en partie sous forme d’une augmentation d’impôt (prorata au mois).

  1. La mesure concerne les nouvelles actions ou parts émises lors de la constitution de la société débutante ou lors d’une augmentation de capital opérée au cours des quatre années qui suivent la constitution de la société. Il doit s’agir d’actions ou parts nominatives. Ces actions ou parts doivent représenter une fraction du capital social. Elles doivent être payées en argent. Elles doivent être entièrement libérées lors de la constitution de la société ou de l’augmentation de capital.
  2. Enfin, s’agissant du mode d’acquisition des parts ou actions, seules les acquisitions par apport d’argent effectuées de manière directe semblent pouvoir bénéficier du mécanisme de réduction d’impôt aux yeux de l’administration. En pratique, cette vision des choses impliquerait notamment que le crowdfunding et l’acquisition au travers d’un fonds ne puissent être admis. Sur ce point, on notera une entrave évidente avec le prescrit légal qui inclut clairement dans le spectre des opérations susceptibles de bénéficier de ladite réduction d’impôt les opérations effectuées « par le biais […] d’une plate-forme de crowdfunding agréée » (art. 145/26, §1er, a, du CIR92).

Pour conclure, la volonté du législateur restant l’aide au financement et développement des petites sociétés débutantes, on rappellera que les actions ou parts acquises dans le cadre du tax shelter doivent être conservées pendant 48 mois. Par analogie à ce qui a été indiqué ci-avant, le non-respect de cette condition supplémentaire entraînerait une reprise partielle de la réduction d’impôt.

Quel avantage fiscal puis-je escompter ?

Si la perspective de retirer des dividendes d’une prise de participation dans une société n’est qu’un espoir incertain, il est une chose qui au contraire est bien plus certainement acquise: la réduction d’impôt.

En l’occurrence, la réduction d’impôt est égale à 30 % du montant des investissements. Le taux passe à 45 % (!) pour les investissements directs en actions ou parts d’une microsociété. Sont visées les petites sociétés qui non seulement respectent les 11 conditions prévues dans le cadre de la présente réduction d’impôt (exception faite du point c) mais également, s’agissant des exercices postérieurs au 31 décembre 2015, répondent à au moins deux des trois critères suivants : (1) nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle: 10 ; (2) chiffre d’affaires annuel, hors tva : 700.000 EUR; (3) total du bilan : 350.000 EUR.

Il est bon de rappeler que la réduction d’impôt n’équivaut ni à une déduction d’impôt ni à un crédit d’impôt, ces trois concepts répondant à des réalités fiscales très différentes. Il est à cet égard possible de relire les précisions terminologiques que nous opérions il y a environ 18 mois en consultant la chronique juridique que nous y consacrions en partie (pour ce faire, cliquez ici).

Dernier détail

Les plus rusés d’entre vous auront sans doute déjà songé à investir personnellement dans leur petite société de manière à bénéficier d’une confortable réduction d’impôt tout en répondant au besoin pressant de capital à risque de la société dont ils sont par ailleurs l’un des dirigeants.

Il va sans dire que, compte tenu du fait qu’un dirigeant n’a normalement pas besoin d’un incitant supplémentaire à l’investissement dans sa propre société, le législateur a pris le soin d’exclure du bénéfice de l’article 145/26 l’acquisition par un dirigeant d’entreprise d’actions ou parts d’une société dans laquelle il exercerait directement ou indirectement son activité de dirigeant. Bien essayé…


Attention : cette note a été rédigée à des fins essentiellement pédagogiques et vise à informer nos affiliés de la législation qui les concerne. Elle ne constitue en aucun cas un exposé exhaustif de la réglementation applicable. A cet égard, nous ne pouvons que recommander aux affiliés de prendre connaissance de l’article 145/26 du code des impôts sur les revenus ainsi que du « FAQ » qu’y a spécialement consacré l’administration fiscale et dont la présente contribution s’inspire très largement. Pour une analyse personnalisée de votre situation, merci de prendre contact avec le service juridique de votre province. Un complément d’information peut également être obtenu auprès de votre conseiller fiscal. En utilisant les informations contenues dans ce billet, le lecteur renonce à mettre en cause la responsabilité de l’Union des Classes Moyennes du Brabant wallon ASBL et de l’auteur, même en cas de faiblesse ou d’inexactitude, flagrante ou non, de son contenu.